Des stratégies prometteuses pour mieux soutenir l’engagement
Bref rappel, qu'est-ce que l'engagement?
En introduction de cette série de chroniques sur l’engagement, nous avons constaté que Jérôme, Maude et William avaient des niveaux d’engagement différents ce qui influence grandement l’utilisation qu’ils font des services offerts par le réseau de la santé et de services sociaux. La première chronique explorait pourquoi passer du consentement vers l’engagement est important et comment conjuguer droits et responsabilités. Nous allons maintenant voir plus en détail ce qui peut déterminer et influencer l'engagement de nos usagers.
L’engagement implique la participation active de la personne usagère. Il est associé à une motivation à comprendre son état de santé et à agir comme un partenaire avec son équipe traitante pour prendre les décisions les plus adaptées à sa situation. Bien sûr, nous souhaitons que notre clientèle soit pleinement engagée. Il est tentant d’encadrer son engagement à l’aide de contrats, de formulaires d’engagement ou d’ententes de suivi. Malheureusement, ces pratiques ne sont pas efficaces1 et soulèvent des enjeux éthiques importants2,3.
Des exemples d'enjeux éthiques soulevés avec les contrats
- nature souvent coercicive
- exigences déraisonnables
- déséquilibre de pouvoir dans la relation clinicien et patient
Les questions qui demeurentPourquoi certaines personnes sont pleinement engagées alors que d’autres le sont moins? Comment l’engagement d’une personne évolue dans le temps, selon le contexte? Est-ce possible d’influencer le niveau d’engagement d’une personne? Comment peut-on amener les personnes usagères à s’engager à la mesure de leur désir et de leur capacité à le faire? |
Des pistes de réponse
Qu'est-ce qui détermine l'engagement?
L'engagement comporte plusieurs dimensions4,5
Le niveau de littéracie et les connaissances |
La majorité des auteurs sont d’avis que l’information est la clé en matière d’engagement. Le niveau de littératie et les connaissances détenues par la personne influencent grandement sa compréhension de son état de santé et sa capacité à le gérer. La capacité à repérer et à utiliser de l’information pertinente et non biaisée est cruciale pour prendre les meilleures décisions. Jérôme, suite à son AVC, ne comprend pas bien ce qui lui arrive, tandis que Maude maîtrise très bien les besoins de son nouveau-né prématuré. |
Les valeurs et les préférences |
Les valeurs et les préférences de la personne usagère sont aussi déterminantes dans l’engagement. Plus précisément, la capacité à reconnaître et à communiquer ses valeurs et préférences à l’équipe traitante assure une prise de décision éclairée. William, préférerait que la douleur soit contrôlée avant de débuter un processus de réadaptation après sa chirurgie, mais il n’a pas communiqué cette préférence à son ergothérapeute. |
Le soutien psychosocial |
Le soutien psychosocial que la personne peut obtenir de son entourage est un autre élément déterminant de son engagement. L’entourage d’une personne lui fournit de l’information, l’aide à prendre des décisions, influence sa motivation, peut aider à surmonter des enjeux de transport, ou autres. |
Le niveau d'activation |
Le niveau d’activation influence également comment la personne cherche à optimiser sa santé ou son bien-être. Le niveau d’activation est intimement lié à la motivation et au niveau d’énergie disponible. La gestion de plusieurs problématiques de santé repose principalement sur des actions de la part des personnes usagères, des changements de comportements et des habitudes, la mise en place de stratégies d’autogestion et d’autosurveillance, etc. |
D'autres dimensions |
D’autres facteurs peuvent aussi faciliter ou limiter l’engagement d’une personne, comme l’utilisation des technologies et l’implication en matière de prévention ou de sécurité. |
L'engagement évolue chez une même personne6,7
Comment faciliter l'engagement?
Les besoins en matière de soutien à l’engagement ne sont pas les mêmes pour Jérôme, Maude et William. Ils varient en fonction de leurs facteurs personnels et environnementaux, selon leur évolution dans l’adaptation à leur condition, leurs désirs et leurs capacités à s’engager.
Poser les bonnes questions pour trouver les bonnes réponses
La meilleure façon de soutenir l’engagement d’une personne, c’est de commencer par apprécier les différentes dimensions de l’engagement. Ensuite, il faut s’attarder à comment la personne s’adapte à sa condition. En questionnant la personne usagère sur ces aspects, on ouvre ainsi un dialogue productif sur les besoins de soutien à l’engagement. Si certaines personnes ont surtout besoin d’information, d’autres ont plutôt besoin d’encouragement ou de rassurance. D'autres encore cherchent davantage des stratégies concrètes pour prendre de l’autonomie.
En comprenant bien les forces d’une personne et ses obstacles à l’engagement, il est plus facile de lui offrir un soutien ajusté selon ses besoins. Plusieurs instruments de mesure pour apprécier le niveau d’engagement des personnes usagères ont été développés7,9,10,11. D’autres publications ont plutôt fait ressortir l’importance d’adresser les obstacles à l’engagement8.
L'importance d'aborder les obstacles à l'engagement
Le fait de réfléchir aux différents obstacles à l'engagement ou stresseurs, (tels que les enjeux de transports, les enjeux financiers, etc.) fait en sorte que le patient exprime ses limites plus facilement. Dans une étude, on a démontré que la réponse à un bref questionnaire réduisait le syndrome de la poignée de porte où le patient verbalise ses préoccupations en fin de rencontre.
En prenant le temps de comprendre les dimensions de l’engagement et l’adaptation de la personne à sa condition, on comprend mieux ses besoins, ce qui nous permet d’ajuster le soutien qu’on lui offre. La clé, c’est d’ouvrir, avec nos personnes usagères, un dialogue pour leur permettre de s’engager à la hauteur de leur désir et leur capacité à le faire. Les besoins varient d'un individu à l'autre et d'un contexte à l'autre.
Questions à se poser pour mieux répondre aux besoins de soutien
Besoin d'information |
La personne a-t-elle accès à l’information sur sa condition de santé et sur les différentes options thérapeutiques? Est-elle en mesure de différencier l’information crédible de l’information de piètre qualité? Est-ce que les explications sont ajustées à ses connaissances et son niveau de littératie? Lui permet-on de comprendre à son rythme? |
Besoin de communiquer ses valeurs et ses préférences |
La personne se sent-elle à l’aise de nous communiquer ses préférences et ses valeurs? L’a-t-on questionnée à ce sujet? Comment on peut ajuster les services/interventions en lien avec ces préférences? |
Besoin de soutien à la prise de décision |
Avons-nous soutenu la personne dans sa prise de décision? Lui a-t-on accordé le temps nécessaire pour prendre les meilleures décisions? |
Besoin de soutien psychosocial |
La personne a-t-elle un réseau social pour la soutenir? Permet-on à ses proches de s’impliquer dans les soins et services? Ceux-ci ont-ils accès à l’information pertinente pour eux? |
Besoin d'activation/motivation |
La personne est-elle en mesure de nous informer des obstacles qu’elle rencontre pour actualiser le plan de traitement? Est-ce que l’entretien motivationnel est approprié dans la situation? |
Besoin de soutien particulier |
Pour certaines personnes, des mesures générales de soutien ne sont pas suffisantes. On suggère alors un soutien particulier. Selon le contexte, ce soutien peut prendre la forme d’un intervenant pivot, d’un gestionnaire de cas, de coaching spécifique12,13, de reaching out, etc. |
Rérérences
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- Cooper, J., Heesters, A., Bianchi, A., Rodrigues, K., & Brown, N. (2019). Contracting Compliance : A Discussion of the Ethical Implications of Behavioural Contracts in the Rehabilitation Setting. Canadian Journal of Bioethics / Revue Canadienne de Bioéthique, 2(2), 97‑101. https://doi.org/10.7202/1065693ar
- Fiester, A., & Yuan, C. (2021). Ethical Issues in Using Behavior Contracts to Manage the “Difficult” Patient and Family. The American Journal of Bioethics, 0(0), 1‑11. https://doi.org/10.1080/15265161.2021.1974974
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- Drenkard, K., Swartwout, E., Deyo, P., & O’Neil, M. B. (2015). Interactive Care Model : A Framework for More Fully Engaging People in Their Healthcare. JONA: The Journal of Nursing Administration, 45(10), 503‑510. https://doi.org/10.1097/NNA.0000000000000242
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- Graffigna, G., & Barello, S. (2018). Spotlight on the Patient Health Engagement model (PHE model) : A psychosocial theory to understand people’s meaningful engagement in their own health care. Patient preference and adherence, 12, 1261‑1271. https://doi.org/10.2147/PPA.S145646
- Wittink, M. N., Walsh, P., Yilmaz, S., Mendoza, M., Street, R. L., Chapman, B. P., & Duberstein, P. (2018). Patient priorities and the doorknob phenomenon in primary care : Can technology improve disclosure of patient stressors? Patient Education and Counseling, 101(2), 214‑220. https://doi.org/10.1016/j.pec.2017.08.004
- Hibbard, J. H., Stockard, J., Mahoney, E. R., & Tusler, M. (2004). Development of the Patient Activation Measure (PAM) : Conceptualizing and Measuring Activation in Patients and Consumers. Health Services Research, 39(4 Pt 1), 1005‑1026. https://doi.org/10.1111/j.1475-6773.2004.00269.x
- Eldh, A. C., Luhr, K., & Ehnfors, M. (2015). The development and initial validation of a clinical tool for patients’ preferences on patient participation – The 4Ps. Health Expectations : An International Journal of Public Participation in Health Care and Health Policy, 18(6), 2522‑2535. https://doi.org/10.1111/hex.12221
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- Berkman, N. D., Chang, E., Seibert, J., Ali, R., Porterfield, D., Jiang, L., Wines, R., Rains, C., & Viswanathan, M. (2021). Management of High-Need, High-Cost Patients : A “Best Fit” Framework Synthesis, Realist Review, and Systematic Review (34780127). MEDLINE with Full Text. https://doi.org/10.23970/AHRQEPCCER246
- Veroff, D., Marr, A., & Wennberg, D. E. (2013). Enhanced Support For Shared Decision Making Reduced Costs Of Care For Patients With Preference-Sensitive Conditions. Health Affairs, 32(2), 285‑293.
À venir!
Dans la troisième et dernière chronique de cette série, nous explorerons comment un meilleur soutien à l’engagement de nos personnes usagères et de leurs proches peut être associé à une utilisation plus efficiente des services de santé et des service sociaux.
- INTRODUCTION - L'engagement de la clientèle et de leurs proches
- CHRONIQUE 1 - Du consentement à l’engagement: un équilibre précaire entre droits et responsabilités
- CHRONIQUE 2 - Des stratégies prometteuses pour mieux soutenir l’engagement (vous êtes ici!)
- CHRONIQUE 3 - L’engagement, une solution à nos défis?
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